J’ai replacé mon chien

temoignage muzo
Facebook
Twitter
LinkedIn

Je suis Alaska Mittelette et je suis consultante en comportement animal

Ma mère a toujours été très proche des autres animaux, donc très vite, très jeune, j’ai appris à les respecter et à les aider à mon tour. Mon enfance et mon adolescence ont été ponctuées de sauvetages, avec ma mère, plus rarement mon père, avec mes ami·es, ou en me débrouillant seule, où je rentrais à la maison avec une ratte sauvage dans un carton, un pigeon dans ma veste ou un chien errant en bout de laisse en rentrant du collège.

C’est donc naturellement qu’en grandissant, je me suis dirigée vers les métiers de soin aux animaux. J’ai cumulé diverses expériences en tant que soigneuse animalière (notamment en zoos et en fermes) et en tant qu’assistante vétérinaire. Ces années sur le terrain m’ont ouvert les yeux sur la place des autres animaux dans notre société et m’ont amenée à m’investir dans les mouvements de considération de leurs intérêts. Je suis devenue militante et me suis engagée auprès de nombreux projets, collectifs et associations. Sous les conseils de mon partenaire, nous avons fondé ensemble notre première association animaliste pour augmenter l’efficacité de nos sauvetages et sensibiliser le grand public à certaines thématiques.

L’une des seules constantes durant tout ce cheminement professionnel et personnel a été ma fascination pour le comportement animal (le nôtre comme celui des autres animaux). Mon intérêt pour le sujet n’a jamais cessé de croître et c’est pourquoi aujourd’hui je me forme en continu pour me spécialiser dans cette discipline.

L’adoption

Alors que ma mère m’encourageait dans mes aventures et mes sauvetages de dernière minute, mon père, lui, était un peu plus réticent et était souvent mis devant le fait accompli. Bien que mon père approuvait la nécessité de mes actions (venir en aide aux plus vulnérables), il n’en approuvait pas toujours leurs conséquences (à juste titre). Il y avait donc toujours une phase de négociation lorsque je ramenais un animal à la maison (ou en évoquait l’idée) qui escaladait parfois en conflit (mon envie et parfois même besoin de venir en aide aux autres animaux VS les besoins et limites de mon père ainsi que les miennes).

Le jour où je suis allée chercher Kenaï (un chiot croisé berger allemand), j’ai pris la décision de tricher et j’ai menti. Je vivais encore chez mes parents à ce moment-là mais j’avais prévu de quitter le domicile prochainement. Quand je suis rentrée à la maison de nuit, avec mon petit charbon dans mon écharpe, j’ai menti et j’ai dit à mon père que je l’avais trouvé en ville, que j’avais été témoin d’un abandon. Le premier truc qui me soit passé par la tête en somme pour justifier sa présence et attiser sa pitié pour qu’il me laisse le garder. C’était irresponsable de ma part, mais c’est passé, et ça a fonctionné.

kenai1

En réalité, Kenaï était une adoption complètement improvisée. Kenaï venait d’une portée accidentelle chez des particuliers dans un environnement insalubre, où les chiots étaient confiés très tôt et très rapidement à travers une petite annonce relayée sur les réseaux sociaux. Je ne le savais pas (et à l’époque j’étais même persuadée du contraire), mais je n’avais ni la maturité ni le recul nécessaire pour me rendre compte que je n’étais absolument pas préparée à accueillir ce chien. J’étais mineure, naïve, et je ne connaissais rien aux sciences comportementales (encore moins à ce qu’on appelle aujourd’hui “l’éducation positive”). J’allais également très mal durant cette période et j’étais déscolarisée, et c’est que très récemment que j’ai réalisé à quel point ce contexte avait probablement mal influencé mes choix.

Le problème c’est que ce mensonge, qui à la base servait un objectif précis et privé que je pensais être sans répercussions négatives (c’est à dire une ruse pour amadouer mon père point à la ligne, je ne savais pas à l’époque ce qui nous attendait au tournant Kenaï et moi), a pris des proportions gigantesques, par ma faute. Je ne sais plus comment, ni exactement pourquoi, mais il me semble que quelqu’un un jour m’a demandé d’où est-ce que Kenaï venait et machinalement, j’ai sorti la même bêtise, parce que j’étais déjà suivie par un certain nombre de personnes à l’époque (des sphères animalières et militantes) qui avaient beaucoup d’attentes envers moi (trop pour une adolescente). Je n’ai pas osé avouer avoir sorti un chiot d’un environnement douteux sur un coup de tête pour l’adopter, surtout à l’âge que j’avais (17 ans). C’est idiot. Parce que ce mensonge, une fois que l’engrenage était en marche, à chaque fois que je le répétais, il était de plus en plus difficile pour moi de faire machine arrière, sur une information pourtant triviale à la base.

Kenaï était haut en couleurs

Quand Kenaï est entré dans ma vie, il n’avait que deux mois. Il était frêle, maigre, son poil était en mauvaise santé. Il avait de la diarrhée et était rempli de vers. Du haut de ses quelques centimètres, il s’asseyait dans sa gamelle lorsqu’il mangeait, sur son tas de croquettes, et grognait sur quiconque osait approcher. Il était “timide” et même parfois fuyant les premiers jours. Il adoptait beaucoup de comportements d’évitement. Il avait également du mal avec l’extérieur et les humain·es qu’il ne connaissait pas. À l’époque, je ne voyais pas toutes ces informations et celles que j’observais, j’en tirais les mauvaises conclusions. Je n’avais pas le savoir et les compétences pour relever ces éléments et donc encore moins les comprendre.

En grandissant lors des mois qui ont suivi son arrivée, il est devenu un chiot plus joyeux et affectueux. Il adorait le contact physique et occuper l’espace (ça c’est resté, même après avoir dépassé les 25kg ha ha !). Il était un chiot particulièrement énergique, son jouet préféré était un frisbee et il adorait mastiquer les mains, les vêtements, les meubles, les sols. Les murs de mes parents se sont très rapidement transformés en gruyère. Mon père rebouchait tant bien que mal chaque oeuvre d’art que Kenaï lui laissait, alors que nous étions loin de rouler sur l’or. Ses traces de griffes et de crocs ponctuaient celles que j’avais moi-même laissées à travers la maison en tant qu’enfant. À chaque bruit de sonnette, c’était un cataclysme qui s’abattait sur nous : Kenaï semblait perdre les pédales et s’en prenait aux invité·es. Chaque poubelle, chaque assiette, chaque Tupperware, sachet, boîte d’aliments qui était à sa portée disparaissait dans la seconde puisqu’il trouvait toujours un moyen pour monter sur les plans de travail, les tables et toutes autres surfaces. Mais il adorait aussi regarder Disney et plonger dans l’eau. Il aimait dormir sur nous et avec nous, à la maison comme au milieu de la montagne. Il aimait la neige plus que tout.