Le Principe de Premack

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Dans cet article, je vous propose de découvrir un outil puissant, le principe de Premack. Régulièrement utilisé par les professionnels de l’analyse appliquée du comportement (ABA – Applied Behavior Analysis), le principe de Premack statue qu’un comportement à haute probabilité peut renforcer un comportement à basse probabilité. Cette application est partout autour de nous et en comprendre le principe peut être un outil précieux pour les propriétaires d’animaux de compagnie.  

Qu’est-ce qu’un renforçateur ? 

Un renforçateur est un stimulus qui augmente la probabilité d’apparition d’un comportement et qui rend ce comportement plus fréquent (plus rapide, plus fréquent ou plus haut, par exemple, selon le type de comportement).  

Ainsi, si les individus sont « récompensés », les comportements eux, sont « renforcés ». 
Il existe plusieurs types de renforçateurs. Les connaître peut nous aider à prendre la mesure de leur importance dans un processus de modification comportementale. 
Renforçateurs primaires : ne dépendent pas d’une association avec un autre renforçateur : la nourriture, l’eau, le chaud quand on a froid, le froid quand on a chaud, la stimulation sexuelle et le contact sont de potentiels renforçateurs primaires. 
Le contrôle sur son environnement est un renforçateur primaire pour tout individu, au même titre que la nourriture, l’eau, le sexe, etc. 
Renforçateurs secondaires : dépendent d’une association avec un renforçateur primaire (ou secondaire) : les félicitations, les caresses, taper dans ses mains, les jouets sont de potentiels renforçateurs secondaires.  
Les renforçateurs primaires et secondaires peuvent être classés dans deux catégories : renforçateurs naturels ou renforçateurs artificiels. 
Les renforçateurs artificiels sont ceux qui sont mis en place par une personne pour modifier un comportement. 
Les renforçateurs naturels sont ceux qui ont un pouvoir renforçateur « automatique » et naturel après un comportement. 
Renforçateurs primaires ou secondaires peuvent donc entrer dans l’une ou l’autre des catégories selon qu’on les ait placés là pour modifier un comportement ou que le renforçateur soit spontanément une conséquence à un comportement. Par exemple, si vous regardez un film comique qui vous fait rire, l’amusement sera un renforçateur naturel. A contrario, si votre conjoint vous dit à quel point vous êtes joli(e) quand vous riez, dans le but de vous voir sourire plus souvent, c’est un renforçateur artificiel. 

Quels sont les renforçateurs du principe de Premack ? 

David Premack (1925, 2015), professeur émérite de psychologie, a défini une approche différente au sujet des renforçateurs. Alors qu’ils sont habituellement considérés comme des stimuli/évènements extérieurs, Premack a suggéré qu’ils pouvaient être des comportements.  

Ainsi, au lieu de considérer les activités et comportements que nos animaux aiment et émettent souvent (et que l’on voudrait modifier) comme des comportements indésirables, on peut les voir et les considérer comme de possibles solides et puissants renforçateurs. 
Une définition simplifiée du principe de Premack statue qu’ « un comportement à haute probabilité renforce un comportement à basse probabilité ». 
Si par exemple j’aime le comportement « fumer » et que je m’engage fréquemment dans ce comportement (haute probabilité) et que le comportement « patienter avant de fumer » (basse probabilité) – il faudrait avant tout opérationnaliser « patienter » – est celui que je souhaite voir arriver plus souvent, je peux renforcer cette patience avec une cigarette. Plus le temps passe, plus le comportement « patienter » sera performant avec toujours pour renforçateur le comportement « fumer une cigarette ». En travaillant ainsi, ce n’est pas le comportement « fumer » qui va augmenter mais bel et bien celui qui est renforcé : patienter. 
Néanmoins, si je suis malade, clouée au lit avec une bronchite et une angine, le comportement à haute probabilité sera certainement celui de patienter avant de fumer. 

Pour mon chien, si le comportement s’assoir à côté de moi quand il voit un copain au parc est à basse probabilité et que le comportement courir vers l’autre chien à la vitesse de la lumière est à haute probabilité, je peux renforcer le premier par le second. Ainsi, se mettre assis à côté de moi est un comportement qui augmentera, renforcé par l’opportunité de courir après son ami canin. 

Ou autre exemple, si je veux maintenir ou augmenter mon comportement d’écrire un chapitre de mon nouveau livre chaque jour (envie moyenne quand l’inspiration n’est pas au beau fixe), je peux renforcer ce comportement par le fait de regarder un épisode de ma série en cours sur Netflix (comportement quasiment toujours à haute probabilité chez moi !). 

Néanmoins, si je suis envoutée de l’esprit d’un écrivain rapide et inspiré, alors le comportement d’écriture sera certainement plus fort que celui de binge-watcher. 

Quels sont les limites du principe de Premack ?

Les activités et comportements que chaque individu trouve renforçateurs changent et évoluent tout le temps. 
Donc, différents comportements peuvent avoir différentes valeurs renforçatrices selon le contexte. 
Ce qu’il faut retenir c’est qu’un comportement peut être renforcé simplement car il fournit l’opportunité de performer un autre comportement préféré. 

En réponse aux travaux de Premack et à certaines limites que son principe atteint, Timberlake and Allison (1974, 1980) ont proposé une variation appelée « Théorie de la privation de réponse ». 
La dimension principale de cette théorie est que le comportement devient renforçateur uniquement quand l’individu est privé de s’engager dans le comportement à plus haute probabilité.  
Par exemple, si je regarde Disney+ (service de streaming des films Disney) environ 4 heures par jour, ce comportement ne servira de renforçateur que si j’en suis privée pour une partie (admettons une heure par jour). Donc si je suis privée de regarder ma plate-forme de streaming au taux habituel, je suis plus à même d’utiliser « regarder Disney+ » comme renforçateur à « écrire un chapitre de mon nouveau livre ».

Pour nos animaux, c’est la même chose. Si j’habite à la campagne et que mon chien court après les souris librement dans le jardin toute la journée, ce comportement servira moins de renforçateur que si je diminue son accès à l’extérieur.

Utiliser des opportunités de chasse pour apprendre des comportements préférés peut être précieux pour les chiens dont les activités prédatrices semblent être un plaisir. 

Mon chien est un chasseur et ses comportements sont renforcés par l’accès à une activité de chasse (pour lui, courir après un animal).  
J’utilise parfois le principe de Premack pour m’aider dans son éducation et la gestion de ses comportements de chasseur. 
Par exemple, lorsque nous descendons de la forêt sur le chemin en pente descendante, et qu’il est attaché, Marley a tendance à tirer sur sa longe de 15 mètres pour arriver plus rapidement au niveau du parc à moutons, les surprendre derrière la clôture soudainement et les faire courir tout le long du grillage, les suivant en courant. C’est un gros stress pour les moutons et c’est un gros stress pour moi qui manque de tomber. 
L’utilisation du principe de Premack ici me permet de renforcer un comportement qui me convient et me plaît par l’accès à l’activité que Marley aime. Je lui demande de marcher à côté de mes pieds jusqu’à atteindre un niveau du chemin où je risque moins de tomber et, arriver au niveau des moutons qui auront pu nous voir arriver, je lui donne un signal de libération qui l’invite à émettre les comportements qu’il souhaite : il fonce vers la clôture. Les moutons étant bien moins surpris (et habitués à ce cinglé), ils courent moins vite et moins frénétiquement, mais le comportement de marche au pied de Marley se maintient dans le temps, prouvant l’efficacité, entre autres, de ce renforcement. 
 
Je n’utiliserais par contre jamais ce type de renforcement si les comportements de Marley avaient pour fonction (ou s’il avait la possibilité) d’attraper et de tuer un animal lorsque nous sommes dehors. 

Le principe de Premack pour quels comportements ? 

 D’une façon générale, les comportements qui génèrent un stress trop important chez l’individu cible ou sur son environnement ne devraient pas être utilisés dans ce contexte. 

La stratégie d’utilisation du Principe de Premack doit se vouloir ponctuelle et, de préférence, mise en place uniquement après avoir déjà diminué le taux de base du comportement cible.

Pour commencer à mettre en application le principe de Premack, une idée simple et efficace est de faire une liste de tous les comportements que l’individu cible a, des plus probables sur la colonne de gauche aux moins probables, sur la colonne de droite.  
 
Par exemple, regarder la télé est un comportement à haute probabilité (je m’engage dans ce comportement en moyenne 2 heures par jour) que je classe dans la colonne de gauche. Faire des séances d’entraînement avec mon chien est actuellement un comportement à basse probabilité que je souhaiterais augmenter, auquel je n’accorde que difficilement une demi-douzaine de minutes par jour ; je classe donc ce comportement dans la colonne de droite. 
Autre exemple, mon perroquet adore aller dans la volière extérieure et passe plusieurs périodes devant la fenêtre qui y mène chaque jour (colonne de gauche), mais n’apprécie pas tellement d’entrer dans sa caisse de transport (colonne de droite). Je peux alors apprendre à mon perroquet qu’entrer dans la caisse de transport sera un comportement renforcé par l’accès à la volière extérieure.  
Dans ces deux exemples, il y a un comportement dans ma colonne de gauche (haute probabilité) et un comportement dans la colonne de droite (basse probabilité). 
 

Avec le principe de Premack, je vais pouvoir sélectionner les comportements de gauche comme étant les renforçateurs des comportements de droite. 
 

Dans les faits, je limite ma consommation de télévision à 1h par jour au lieu des deux actuellement. Par contre, dès que je fais une séance d’entraînement avec mon chien, je renforce ce comportement par une demi-heure de télévision.

Je limite mon accès à mon jeu en ligne à 45 minutes par jour (au lieu d’environ 1h30 en moyenne). Par contre, dès que j’ai écrit une nouvelle leçon de mon cours, je renforce ce comportement avec 5 minutes de jeux en ligne. 

Voici quelques exemples pour l’utilisation du Principe de Premack avec des chiens ou des perroquets. 

Un renforçateur augmentant la probabilité d’apparition d’un comportement, le phénomène qui va arriver ici, c’est qu’à force de renforcement, mes comportements de la colonne de droite (basse probabilité) vont monter les échelons, jusqu’à pourquoi pas atteindre les comportements de la colonne de gauche. 

Cela signifie que grâce à ce principe de Premack, aujourd’hui, entraîner mon chien et travailler sur l’ordinateur, qui étaient des comportements à basses probabilités, sont devenus des comportements à haute probabilité. 

Conclusion

Rendre les comportements préférés contingents aux comportements moins aimés augmente leur probabilité d’apparition. 

Le principe de Premack est un outil formidable. L’expression « gagnant-gagnant » prend tout son sens dans son utilisation. Nos animaux peuvent émettre les comportements qui leur plaisent naturellement et nous pouvons les rendre contingents des comportements rentrant dans le cadre d’une vie harmonieuse avec nos animaux de compagnie. 

Bien sûr, tous les comportements ne sont pas acceptables comme renforçateurs.  
Par exemple, si attaquer et mordre violemment mon mari au visage est un comportement à haute probabilité pour mon perroquet, je ne m’en servirai jamais comme comportement renforçateur.  
Les comportements dangereux ou générant un haut stress pour l’individu ou son environnement ne font pas de bons renforçateurs, d’un point de vue comportemental et éthique. 

Le principe de Premack concerne donc des renforçateurs sous la forme de comportements. 

Mais la réalité, c’est certainement que chaque renforcement est un exemple du principe de Premack. 
Manger est un comportement. Ainsi, à chaque fois que l’on demande à nos animaux d’émettre un comportement sur signal et que nous renforçons ce comportement avec de la nourriture, nous appliquons aussi le principe de Premack ! 
Donne la patte Forme mange une friandise 

Montrez-nous vos listes ; que contiennent les colonnes de gauche et de droite de vos animaux de compagnie ? 

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Réponses

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  1. Coucou Lisa
    Bonne idée d’utiliser un comportement comme renforçateur.
    A bien y réfléchir, je me demande si je le fais pas déjà avec Vicky quand je lui permets d’aller chercher sa balle qu’elle adore machouiller après qu’elle ait marché à mes côtés sans faire la fo folle ?

  2. C’est comme M. JOURDAIN.
    On applique le principe sans lz connaître. Regarder la télé, après avoir fait la vaisselle, jouer après avoir fait ses devoirs.
    Sauf que peut on inverser l’ordre ?
    Encourager avant plutôt que récompenser après ?
    En fait avec Vicky je fais les deux
    Balle/Assis/Balle
    Courrir/ pas bouger/ Courrir
    Est-ce du Premack ou un arrangement à ma façon ?

  3. Si attraper la balle est le comportement préféré et que se mettre assise est le comportement moins préféré, alors le principe de Premack consistera à lui demander de s’assoir et ce comportement sera renforcé par le comportement attraper la balle.

    Si la balle arrive avant le comportement, elle agit alors comme un motivateur, un guide, ou encore un leurre.
    Ce n’est pas un problème pour l’apprentissage du comportement “assis” mais si on veut que la balle ne devienne pas une partie inhérente au comportement assis, il faut rapidement estomper ce guide 🙂