Si la peur et l’anxiété chez le chien peuvent être exprimées de façon semblable, leur permanence, leur chronicité, leurs effets sur l’organisme diffèrent. Être capable de les différencier, c’est aussi être capable de mieux adapter un traitement comportemental pour aider votre chien. Si souvent “mon chien est peureux” et “mon chien est anxieux” sont utilisées de façon interchangeable, la réalité que recèlent ces étiquettes est bien plus complexe. Même si la peur et l’anxiété engagent votre chien à se protéger d’un danger, son organisme y réagit de façon différente.
Définitions
Tant la peur que l’anxiété peuvent être dues à une sensibilité accrue, à une génétique qui rend plus craintif, à une contagion émotionnelle (un autre être a peur, alors je me mets aussi à avoir peur de cet élément), à une expérience vécue personnellement, à une expérience observée vécue par un autre être, à une naissance d’une femelle anxieuse ou stressée pendant sa gestation, à un isolement vis-à-vis de certains élément, à un manque de familiarisation adaptée.
La peur est une émotion.
Elle se manifeste en réaction à un élément immédiat et réel. Elle est de courte durée.
Elle est une réaction physiologique à un élément qui est perçu comme un danger ; il s’agit d’une perception subjective.
L’objectif de cette émotion, au-delà de la survie de l’individu, est d’éviter le danger, soit s’en éloignant, soit le mettant en fuite.
L’anxiété est un sentiment.
Elle se manifeste en réaction à un élément possible. Elle est de durée moyenne à longue.
Elle est une réaction à un élément supposé, présent ou non, qui est perçu comme un danger ; il s’agit d’une perception subjective. Elle est liée à l’émotion de peur.
Les symptômes
Il est possible que vous observiez divers symptômes, tant physiologiques que comportementaux, chez votre chien. Votre chien développe ses propres symptômes, volontairement ou involontairement. Il peut en combiner plusieurs, en avoir face à un élément X, et en présenter d’autres face à un élément Y.
Haleter ; saliver ; faire les cent pas ; trépigner sur place ; aboyer de façon aiguë ; avoir la queue entre les pattes arrière, quasi sur le ventre ; avoir le corps bas ; avoir les oreilles en arrière ; avoir la gueule fermée ; faire de la pilo-érection ; uriner sur place dès l’apparition de l’élément ; avoir de la diarrhée ; vomir ; grogner ; se recroqueviller ; se cacher ; charger l’élément ; rediriger sur un individu ou un objet autre que l’élément qui déclenche la réaction ; avoir les pupilles dilatées ; avoir les muscles tendus ; être raide dans sa démarche ; refuser de manger et/ou de boire ; fixer dans le vide ; faire semblant de faire une autre activité ; s’enfuir ; trembler ; faire l’œil de baleine.
Les types de peur
Mon chien a peur des humains.
Mon chien a peur des hommes. Mon chien a peur des femmes. Mon chien a peur des enfants.
Chaque fois que votre chien aperçoit, voit, ou même entend, un homme, une femme, des enfants, vous pouvez voir l’un des symptômes ci-dessus apparaître.
Cela peut être dû à un manque de familiarisation. Votre chien ne connaît des humains que les très rares qu’il a vus lorsqu’il était chiot, soit peut-être trois individus. Votre chien peut n’avoir eu aucun contact direct avec un être humain. Votre chien peut avoir vu certains humains, mais dans certains contextes uniquement, et n’avoir que certaines attitudes. Des vêtements tels qu’une casquette ou un grand manteau le perturbent. Il peut n’avoir vu aucun humain d’une certaine carrure et être impressionné. Il peut n’avoir vu aucune personne avec une béquille ou un déambulateur.
Cela peut être dû à une expérience négative. Votre chien peut avoir subi ou été témoin d’actes violents ou de négligence de la part de certains types d’humains. Si des enfants lui ont jeté des pierres pour le faire fuir, il ne sera pas à l’aise en leur présence. Si une femme qui s’occupait de lui l’a affamé, les femmes sont des dangers pour sa survie. Si un homme criait et battait sa femme, il peut se méfier des hommes.
Cela peut être dû à des douleurs ou à son âge. Un chien endolori ou âgé peut s’avérer plus craintif si des enfants par exemple courent dans tous les sens, si des trottinettes foncent vers lui.
Peur d’autres animaux
Votre chien peut montrer des comportements de peur en voyant ou entendant un autre chien, un chat, un cheval, un cochon, un corbeau, etc. Même s’il semble afficher des comportements hostiles, son langage corporel, son objectif final, renseigne aussi sur sa motivation : remettre l’autre individu à distance.
Votre chien peut ne pas avoir rencontré d’animaux différents. Cela peut concerner des chiens autres que ceux de sa race. Cela peut concerner des espèces qu’il est susceptible de peut croiser ; par exemple, vous vivez milieu urbain et votre chien ignore à quoi ressemble une vache.
Votre chien peut avoir vécu ou été témoin d’une expérience négative. S’il a reçu des coups de griffes d’un chat lorsqu’il était chiot, les chats sont susceptibles de ne pas être dans sa liste des espèces qu’il préfère.
Votre chien peut être impressionné visuellement. Les chiens ont eu perception de leur environnement, au niveau visuel et sonore, qui diffère de l’humain. Même en ayant été familier avec certaines espèces, certains chiens demeurent peureux lorsqu’ils les croisent. Leur taille, leur démarche (ou envol), les met mal à l’aise ou leur fait peur.
Peur de bruits
Les chiens ont des capacités auditives qui leur permettent d’entendre des sons jusqu’à 50.000 hertz (quand l’humain peut en entendre jusqu’à 16.000 Hz pour un adulte). Par ailleurs, le résidu d’un son peut être perçu jusqu’à 5 mètres après son émission pour un humain, et jusqu’à 25 mètres pour un chien. Il leur est donc possible de percevoir des sons inaudibles pour l’être humain.
Plusieurs raisons peuvent engendrer une sensibilité accrue chez votre chien : une audition plus sensible, un manque de familiarisation à certains sons, une expérience négative associée à ces sons, une surprise perçue négativement. S’il est possible d’indiquer l’origine de certains sons aux chiens pour qu’ils associent un objet à un son, certains sons sont émis par des éléments volatiles et/ou imprévisibles.
Les sons concernés peuvent être par exemple des pétards, des feux d’artifice, le tonnerre, les éclairs, des clefs qui tombent au sol, du papier aluminium froissé, un aspirateur.
Peur d’un objet
Les chiens sont myopes et hypermétropes, même si certains le sont moins que d’autres. Que ce soit de loin ou de près, ils voient flous. Ils évaluent mal les distances et les hauteurs. Ils ne perçoivent pas bien les détails et les contours d’objets. Même s’ils ont été familiarisés aux objets, la dimension et le mouvement de certains peuvent être impressionnants pour eux.
La néophobie
La néophobie est la crainte de la nouveauté. Votre chien se montre apeuré dès qu’il rencontre une nouvelle personne, un nouveau chien, voit un nouvel objet, entend un nouveau bruit. Il perçoit tout élément nouveau comme étant une source de danger avant d’éventuellement l’explorer.
Les types d’anxiété
Anxiété de séparation
Certains chiens vivent le fait d’être seul, isolé ou sans leur être d’attachement avec angoisse. Même si on utilise une expression, elle revêt en fait plusieurs réalités possibles : une anxiété à être seul (solitude), à être isolé et confiné (isolement), à être séparé d’un être en particulier (séparation).
Quels que soient les comportements du chien, ils révèlent tous un état de panique. Pour le chien qui en souffre, il n’est question que d’une chose : sortir le plus vite et tôt possible de la situation et rejoindre les êtres auxquels il est attaché.
On parle d’anxiété car les chiens qui en souffrent anticipent le moment où ils vont être seuls. Ils observent les comportements des humains, les décryptent avec précision. Ils ne sont pas encore seuls que certains montrent déjà des signes de détresse.
Les comparaisons entre des chiens qui en souffrent et des chiens qui n’en souffrent pas n’ont permis à ce jour d’établir aucune causalité saillante. Les câlins, les jeux, les dodos sur le lit, les entraînements à la solitude, rien ne permet d’établir que cela va engendrer de l’anxiété de séparation. Le seul dénominateur commun qui serait envisageable serait génétique.
Pour en savoir plus, retrouvez le webinaire donné par Lisa Longo sur « Les problèmes de comportement liés à la séparation chez le chien » sur la plateforme.
Anxiété généralisée
Pour certains chiens, tout est source de stress négatif. Tout peut potentiellement être une menace pour leur survie. Soit ils ont commencé avec une anxiété particulière qui s’est étendue à divers aspects de leur vie, soit leur anxiété n’a jamais vraiment eu de limite particulière. Ce sont des chiens qui réagissent en continu, qui ne connaissent pas de répit dans leur anxiété. Ils montrent des difficultés à sortir dehors, ou même à être ailleurs que dans un lieu restreint et unique.
Anxiété chez le vétérinaire ou le toiletteur
Certains chiens vivent la visite chez le vétérinaire ou le toiletteur telle un film d’horreur et d’angoisse. Les odeurs, les sons, les manipulations, maints aspects du lieu peuvent les rendre réticents. Peu à peu, alors qu’aucun élément ne leur est présenté, ils sont déjà à réagir, parfois même dans la rue, bien avant d’entrer dans le cabinet, la clinique ou le salon. Même une simple promenade se transforme en « tous mais pas cette rue ». Aller simplement chercher des croquettes au cabinet vétérinaire, acheter seulement un shampoing au salon de toilettage, activent chez ces chiens une répulsion.
Pour travailler main dans la patte avec votre vétérinaire, nous vous invitons à regarder le webinaire d’Iris Castaing sur le sujet.
Nos conseils
Le vétérinaire
Votre vétérinaire est votre meilleur allié pour la santé de votre chien.
Autant la peur que l’anxiété peuvent être générées par des problèmes physiques, des douleurs, des dérèglements hormonaux, une maladie chronique, l’âge de votre chien. Le corps de votre chien, s’il n’engendre pas d’émotion négative, il peut néanmoins les exacerber.
Votre vétérinaire est là pour diagnostiquer ce qui pourrait poser un obstacle dans l’apaisement de votre chien. Il peut aussi lui prescrire un régime ou une médication adaptée, qui viendra en béquille pour le soutenir pendant qu’il sera accompagné dans ses comportements et ses associations face à certains éléments. En fonction de leur niveau de peur ou d’anxiété, certains chiens peuvent s’avérer incapables d’acquérir le moindre apprentissage ; leur cerveau n’est concentré alors que sur les « sorties de secours » dans certaines situations.
Le soutien émotionnel
Si on reprend les définitions, la peur ne peut pas être renforcée tel un comportement. Votre chien ne se réveille pas le matin en se disant « à force d’avoir eu des caresses face à ce camion poubelle, quand il passera à 11h13, je bondirai de peur et tremblerai ». Par contre, si vous le rassurez, si votre relation l’incite à se rapprocher de vous pour obtenir du soutien, que ce soit de votre voix, d’un comportement de votre part, d’un geste particulier, cela peut apaiser ce qu’il ressent, construire sa confiance.
Si votre chien a de plus en plus peur bien que vous le rassuriez, il est alors intéressant de s’attarder sur plusieurs paramètres :
- votre propre état émotionnel : si vous êtes aussi effrayé voire plus, votre chien ne percevra pas de votre part que vous inspirez de la sécurité
- votre proximité avec le « danger » : si vous tentez de rassurer votre chien mais que vous vous situez près de ce qu’il considère dangereux, il ne pourra que difficilement être réceptif à ce que vous essayez de mettre en place.
La désensibilisation aux bruits et environnements stressants
Désensibiliser votre chien signifie que vous allez l’exposer à des éléments effrayants pour lui, mais à une dose minime. Vous n’augmenterez l’exposition que très graduellement, et, à la condition qu’il demeure serein.
Par exemple, votre chien est effrayé lorsqu’il entend des enfants crier en jouant, il vous est possible d’utiliser un site où vous aurez des sons d’enfants crier en jouant. Vu les capacités auditives de votre chien, vous pouvez laisser un volume bas, même si vous-même ne l’entendez pas. Vous ne passez le son que quelques secondes. Pour éviter les associations négatives et hasardeuses, je vous suggère que ce soit chez vous, sans d’autres sons, afin de ne pas parasiter la perception qu’il aura. Quand il montre de façon répétée qu’il est à l’aise, vous pouvez soit augmenter le volume soit la durée d’exposition ; il est essentiel que l’augmentation soit infinitésimale au début afin de maintenir une progression constante.
Si votre chien est effrayé par un centre-ville, je vous conseille d’opter pour une ville dont le centre-ville est calme et entouré d’espaces ouverts ; vous pouvez aussi opter pour une ville entourée de forêt si votre chien y est à l’aise. Cette ville sera votre centre d’entraînement. Vous débutez le plus éloigné possible du centre effrayant de votre chien, votre longe ou laisse est le plus détendu. Votre corps est orienté vers le centre-ville, mais vous suivez votre chien. Peu à peu, quand il maintient du calme, qu’il vous montre comment il peut être détendu, vous avancez un peu vers le centre, toujours avec vos outils de promenade les plus détendus possibles. S’il a besoin de s’arrêter, d’observer, de sentir, vous le laissez faire. L’objectif est de l’accompagner vers un environnement où il n’est pas à l’aise, pas de l’y immerger.
Le contre-conditionnement à des éléments particuliers
Le contre-conditionnement va impliquer que vous allez associer un élément effrayant pour votre chien, réel, visible, sonore, à un autre élément, celui-ci agréable pour votre chien. L’élément agréable sera toujours présenté après l’autre élément afin que votre chien ait une perception qui change : « oh, ça, ça annonce que je vais recevoir ceci que j’aime ».
La distance à laquelle votre chien est vis-à-vis de l’élément effrayant va influencer l’efficacité du contre-conditionnement : si vous êtes trop loin, il ne le percevra pas ; si vous êtes trop près, il sera en alerte pour s’en protéger, et ne sera pas réceptif à ce que vous lui présenterez.
Supposons que votre chien ait peur des vélos. La première chose est de prendre note s’il a peur d’un vélo isolé ou d’un groupe de vélos. Ensuite, il va être important de ne pas le noyer en l’amener observer une compétition de cyclistes ; il ne serait pas en mesure de traiter l’ensemble des informations pour ensuite être réceptif à ce que sa perception émotionnelle change. Une fois la distance établie pour vos séances, qui sera ajustée en fonction de l’évolution de votre chien, vous allez lui donner quelque chose d’agréable pour lui ; cela peut être une friandise par exemple. Des paramètres sont alors à prendre en compte, pour ne pas juste le gaver et que le contre-conditionnement ne devienne pas un moment simplement gustatif sans efficacité : votre laisse ou longe est détendue, vous êtes sans tension, votre chien reçoit quand, et seulement si, il regarde, et, peut voir un vélo. Si un camion cache le vélo, il ne reçoit rien ; s’il regarde ailleurs, il ne reçoit rien. S’il regarde le vélo, il reçoit la friandise après avoir regardé le vélo, qu’il continue à le regarder ou qu’il se soit tourné vers vous. L’objectif est de créer chez lui une anticipation de quelque chose d’agréable à venir chaque fois qu’il voit un vélo.
Les soins coopératifs
Lorsque vous entraînez votre chien à coopérer à des soins, que ce soit être brossé, avoir ses oreilles nettoyées, aller chez le vétérinaire, par exemples, vous le rendez acteur de ses soins. Il n’est pas seulement question qu’ils apprennent à les accepter, mais qu’il soit en mesure de s’exprimer s’il est prêt, s’il souhaite une pause. Il s’agit alors d’un moment d’écoute mutuelle. Il prend alors plus aisément confiance, car les soins sont aussi ritualisés. Il anticipe alors quelque chose sur lequel il a du contrôle. Sa communication est prise en compte ; il (ré-)apprend à s’exprimer.
Même si votre chien ne rencontre pas de problématiques particulières avec les soins, l’entraîner en coopératif a maints avantages : plus de relaxation, moins de risques de réactions hostiles, une relation accrue.
La relaxation et les jeux
Un chien peureux ou anxieux peut éprouver des difficultés à se détendre, à passer à autre chose, à ignorer ce qu’il vient de ressentir. Il va donc être question de trouver ce qu’il l’aide à se sentir bien pour s’en servir pour le cas où un événement le rende plus stressé. L’intérêt est aussi d’éviter que le stress négatif qu’il ressent alors devienne chronique et s’installe dans le temps, devenant délétère pour sa santé physique et émotionnel, réduisant ses capacités d’apprentissage.
Éduquer avec des outils aversifs
Si votre chien a peur d’un élément, ajouter un autre élément à valeur désagréable pour lui, pour qu’il cesse son comportement, peut potentiellement l’amener à le cesser. Le problème est que cela peut aussi le faire changer de stratégie, endommager votre relation, aggraver sa peur ou son anxiété, le rendre encore plus vigilant.
Si vous pensez résoudre la situation en « noyant » votre chien des éléments qui lui sont problématiques (par exemple, votre chien a peur des autres chiens et vous le mettez en contact proche avec un autre sans qu’il ne puisse réagir ou jusqu’à ce qu’il cesse de réagir ; il a peur dans l’eau et vous l’y incitez fortement, voire l’y emmener), vu qu’il sera en plein dans ce qui est la cause de ses peurs, il ne fera qu’éteindre certains comportements et se concentrer pour échapper au moment.
Retrouvez d’autres conseils dans l’article « Nos conseils pour aider votre chien anxieux ».
Si votre chien souffre de peurs et/ou anxiétés, il est possible de l’aider, de le soutenir, de l’accompagner vers plus de sérénité, de changer ses perceptions de certains éléments et que ses comportements s’adaptent en fonction. Le temps que vous passez à faire de votre chien un être bien dans ses pattes est du gain pour profiter de moments agréables avec lui.
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