Pourquoi la pluridisciplinarité est essentielle pour l’éducation animale

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La pluridisciplinarité est le regroupement de plusieurs personnes, de plusieurs professions complémentaires œuvrant autour d’un travail commun, apportant chacune un point de vue spécifique. Cette approche permet d’accroître nos connaissances sur une thématique grâce aux différents regards d’experts posés sur une même situation. 

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  • De l’éducateur canin au murmureur à l’oreille des chiens 

L’éducation animale regroupe un grand panel de professionnels : des éducateurs, entraîneurs, comportementalistes, consultants en comportement, aux murmureurs à l’oreilles des chiens, tous ont pour objectif l’éducation ou la rééducation des animaux de compagnie. 

En France, et dans la plupart des autres pays de notre monde, ces métiers ne sont pas protégés. Cela signifie qu’aucun diplôme et expérience ne sont requis pour exercer. Du fait de la non-législation de ces professions, un gap important existe entre croyance et science. 

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  • Le comportement est une science 

Le comportement animal est étudié sous le couvert de plusieurs sciences. 
Deux des principales sciences actuellement mises en application par les différentes professions de l’éducation animale sont l’analyse du comportement et l’éthologie. 

Qu’est-ce que l’ABA ? 

ABA est l’acronyme de Applied Behavior Analysis, traduit Analyse Appliquée du Comportement (AAC), en français. 
Il s’agit d’une science consacrée à la compréhension et à l’amélioration des comportements individuels. 
Les analystes et consultants comportementaux mettent l’accent sur les interventions, techniques et méthodes basées sur la recherche dans le but de comprendre, modifier et améliorer des comportements cibles et utilisent des méthodes scientifiques pour parvenir aux modifications comportementales escomptées. 
L’ABA est donc une approche scientifique qui a pour but de découvrir les variables environnementales qui influencent l’apparition d’un comportement individuel et de développer des technologies de modifications comportementales en fonction de ces découvertes. 

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Qu’est-ce que l’éthologie ? 

L’éthologie est une approche de l’étude du comportement animal qui met l’accent sur l’observation de nombreuses espèces différentes dans un environnement au plus proche de leur habitat naturel.  

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L’éthologie appliquée, quant à elle, est l’étude du comportement des animaux qui sont soumis d’une façon à une gestion de la part des humains, dont l’objectif est d’améliorer le bien-être des animaux captifs. 

D’autres sciences approchent le comportement par des regards différents dont la zoologie, anthropologie, la biologie, la psychologie, les neurosciences, la génétique, l’écologie, pour n’en citer que quelques-unes. 

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La médecine vétérinaire 

La médecine vétérinaire est une spécialité médicale concernée par la prévention, le diagnostic et le traitement des maladies affectant la santé des animaux non humains. 
Si la médecine vétérinaire n’étudie pas directement le comportement des animaux, les maladies qu’elle étudie peuvent par contre l’influencer énormément. 

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Sous cette même science, plusieurs spécialités peuvent être rencontrées : médecine générale, nutritionniste, comportementaliste, ophtalmologue, cardiologue, etc.  
Comme chez les humains, chaque spécialité comprend des experts d’un objet d’étude. 

Selon une étude de Fatjó et al de 2006 (télécharger l’étude en cliquant ici), plus de 98% des vétérinaires sont consultés régulièrement par des propriétaires pour des problèmes de comportement chez leur animal de compagnie. 

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 Plus de 99% des vétérinaires consultés pour cette étude ont admis que trouver une solution au problème était de leur responsabilité. Les solutions apportées ont été réparties de cette manière : 

  • 46.2% des cas ont été référés à des vétérinaires dont la spécialité est le comportement (vétérinaires-comportementalistes) 
  • 12.3% des cas ont été référés à des éducateurs canins ou des consultants en comportement 
  • 34.7% des cas ont été traités par les vétérinaires généralistes sans être référés 

Selon cette enquête, la volonté de référer un cas à un collègue dépend de sa spécialité. En effet, seulement 51 % des vétérinaires interrogés envisageaient de référer des cas à des vétérinaires-comportementalistes, alors que ce pourcentage montait à 94 % pour des ophtalmologues et à 88 % pour l’orthopédie (Thomson Veterinary Communications sur la santé 2003). 

Cela peut laisser suggérer que les sciences comportementales sont encore peu connues et plébiscitées par la médecine vétérinaire. 

La faute à pas de chance ? 

En tant que consultante en comportement animal, je travaille étroitement et quasiment quotidiennement avec des équipes vétérinaires. 

 Souvent, les problèmes de santé de l’animal conduisent à des comportements indésirables. 
La constipation, une cystite, les problèmes de rein ou de foie, peuvent conduire à des « accidents » de propreté chez le chien et le chat. 

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Les problèmes de vue, les problèmes de thyroïde, les douleurs invisibles, peuvent conduire à de l’agressivité chez le perroquet et le chien. 

 Le régime alimentaire peut également être la cause de comportements indésirables. Si tous les résultats ne sont pas forcément unanimes, une conclusion solennelle est que la nourriture offerte à un chien ou à un chat peut influer sur ses comportements, que ce soit en termes de qualité (taux de protéines, de glucides, ou même de sucre) ou de quantité (la faim, par exemple, peut générer des problèmes de comportement). 
De la même manière que certains humains atteints d’un rhume deviennent plus susceptibles et irritables, les animaux atteints de pathologies médicales peuvent émettre des comportements indésirables. 

Sachant à quel point la santé influence le comportement, les éducateurs canins et consultants en comportement qui font face à des comportements inhabituels, agressifs, anxieux ou réactifs chez les animaux de compagnie de leurs clients vont demander aux propriétaires de faire un bilan médical ou des examens exploratoires chez leur vétérinaire. 

Il peut alors arriver que les vétérinaires généralistes refusent d’effectuer les examens car la demande ne leur semble pas pertinente. 
Nous nous retrouvons avec une fracture entre éducateurs et vétérinaires. 

Cette situation, bien que de moins en moins fréquente, pousse les éducateurs à pousser des coups de gueule sur les réseaux sociaux, ou encore en conférences. 

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Mais notre tendance à sous-estimer les vétérinaires vient-elle réellement d’un manque d’intérêt ou de respect pour notre profession de leur part ou de notre manque de formation et de compétences en communication ? 

Travailler ensemble 

La médecine vétérinaire demande obligatoirement de nombreuses années d’études et un doctorat. 
L’éducation animale ne demande rien. 
Si notre discipline est basée sur la science, n’importe quel professionnel, peu importe son niveau de formation, de connaissances, de compétences et d’expérience peut être amené à pratiquer. 

A partir de ce simple fait, il me semble absolument normal et légitime que les vétérinaires puissent faire preuve de réticence lorsqu’il s’agit de travailler en collaboration ou de référer un de leur patient à un professionnel de l’éducation. 

Également, à force de critiquer l’ordre des vétérinaires et leurs réticences à travailler avec nous, nous perdons leur confiance. 

Alors comment pouvons-nous augmenter la confiance des vétérinaires à notre égard ? 

  • Faisons preuve de responsabilité en nous formant en profondeur à propos de notre discipline. Cela passe par : 
    • une formation de base solide en sciences comportementales 
    • la formation continue (la science étant en constante évolution, se former en continu est absolument nécessaire pour être un bon professionnel de l’éducation animale), par des cours, des séminaires, des conférences, des stages, des ateliers, etc 
    • des certifications reconnues dans notre domaine 
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  • Faisons preuve d’humilité et restons dans notre ligne, sans outre-passer nos connaissances et nos compétences.  
    • Seul un vétérinaire peut prescrire des médicaments 
    • Le vétérinaire est le seul professionnel pouvant délivrer des avis médicaux 
    • Le vétérinaire est le seul à pouvoir effectuer un examen clinique de l’animal 
  • Spécialisons-nous dans des thématiques au lieu d’essayer de tout gérer 
    • Le monde de l’éducation animale est en plein essor et nous pouvons retrouver des expertises dans un tas de domaines différents : 
      • Sports canins 
      • Soins coopératifs 
      • Entraînement de comportements quotidiens 
      • Réactivité 
      • Anxiété de séparation 
      • Etc etc etc 
    • Si nous souhaitons être compétent dans notre travail, il est impossible de pratiquer toutes les thématiques reliées à l’éducation canine. Se former correctement demande énormément de temps, d’énergie, de travail, d’expérience, de finance. En voulant « toucher à tout », on est finalement « moyen en tout ». Se spécialiser signifie consacrer nos apprentissages, formations, stages, expériences, à un domaine particulier et n’exercer qu’en rapport avec celui-ci. Cela nous rend plus performant et bien plus crédible. 
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Sharline Cully, MS éthologue, Sharline & Cie – Lindsay Tonneau, éducatrice canin spécialisée en soins coopératifs, Lupi – Lisa Longo, consultante en comportement spécialisée en réactivité, agressivité, phobie et anxiété, Animal Académie 
  • Faisons preuve de scepticismes sur les pseudos-sciences peu importe nos croyances personnelles. 
  • Faisons preuve de respect dans nos échanges avec les autres professionnels. 

Travailler ensemble, un avantage pour toutes les parties impliquées 

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Lorsque les éducateurs canins/consultants en comportements et les vétérinaires décident de travailler ensemble au côté des propriétaires et de leur animal, les avantages et bénéfices sont nombreux pour chacun : 

Vétérinaires : 

  • Pouvoir faire confiance en l’expertise du professionnel en comportement 
  • Limiter les heures passées à se former sur une thématique / à rechercher des solutions pour un cas précis 
  • Voir l’animal plus souvent, grâce au travail effectué par l’éducateur, le stress et la peur de l’animal au cabinet peut diminuer, rendant les propriétaires à s’y rendre plus régulièrement 
  • Limiter les problèmes médicaux grâce aux visites de contrôle plus régulières 
  • Limiter les morsures et autres comportements agressifs grâce au travail de désensibilisation réalisé par l’éducateur 
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Dr. Aubrey Ross et ses collègues

Educateur/Consultants en comportement : 

  • Pouvoir faire confiance en l’expertise du vétérinaire 
  • Pouvoir obtenir des réponses médicales pour déterminer si une pathologie influence les comportements du chien 
  • Pouvoir voir plus d’animaux référés par le vétérinaire 
  • Pouvoir intervenir sur les comportements au plus tôt pour éviter qu’ils ne deviennent trop importants et envahissants 
  • Augmenter la confiance des clients grâce au travail en collaboration avec leur vétérinaire 
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Lindsay Tonneau, éducatrice Elite Fearfree, instructrice en soins coopératifs animaliers, Lupi, et Dr Laurence Palleva, vétérinaire Fearfree, cabinet Pallevet, travaillent ensemble pour assurer un Cooper un moment confortable pendant ses soins au cabinet

Clients : 

  • Pouvoir se sentir entouré d’une équipe investie dans la résolution du problème rencontré 
  • Diminuer le stress d’aller chez le vétérinaire 
  • Avoir un interlocuteur privilégié, régulier et présent à domicile pour aider à l’apprentissage de nouvelles compétences chez l’animal 
  • Avoir un animal qui vit potentiellement plus longtemps grâce à des visites plus fréquentes chez le vétérinaire 
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Animal : 

  • Apprentissage de nouvelles compétences 
  • Respect des émotions 
  • Diminution du stress chez le vétérinaire 
  • Traitement adapté aux pathologies plus rapidement mis en place 
  • Bien-être général augmenté 
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Vers quel professionnel se tourner en premier ? 

En tant que particulier propriétaire d’un animal de compagnie, il peut parfois être difficile de savoir vers qui se tourner lorsque l’on rencontre un problème avec son animal. 
S’il est évident pour tout un chacun que seul un vétérinaire peut soigner une maladie ou une blessure, la réflexion se pose lorsque le problème rencontré provient du comportement émis par l’animal. 

Plus les éducateurs et vétérinaires travailleront côte à côte et main dans la main, et mieux les particuliers pourront être référés à la bonne personne pour leur venir en aide. 

D’une façon générale, l’éducation d’un jeune animal devrait être accompagnée par un éducateur canin. 
L’apprentissage de soins coopératifs devrait être suivi par un éducateur canin (travaillant de préférence avec une équipe vétérinaire ou les vétérinaires des propriétaires). 
Les problèmes de comportement n’impactant pas la sécurité directe de l’animal et des autres individus peuvent être suivis par un éducateur canin (sauts, marche en laisse, rappel, etc). 
Les problèmes de comportement impactant la sécurité physique ou émotionnelle de l’animal ou des individus autour devraient être suivis par un vétérinaire spécialisé en comportement et d’un consultant en comportement animal (réactivité, phobie, agressivité, anxiété, etc). 

Les bénéfices des sciences-sœurs  

Dre Susan G. Friedman, professeure émérite en psychologie à l’université de l’Utah et pionnière dans l’analyse du comportement mise en application aux animaux captifs et de compagnie, parle de sciences-sœurs pour toutes les disciplines scientifiques explorant une même thématique sous un spectre différent. 
Je suis particulièrement attachée à cette image car même si nos regards sont différents, ils sont étroitement liés et attachés pour toujours. 

Nous n’avons pas besoin de nous battre pour savoir si l’école de l’éthologie est « meilleure » que l’école de l’analyse du comportement. 
Nous n’avons pas besoin de nous battre pour savoir si Skinner est plus important que Tinbergen. 

Nous avons tout autant besoin de l’une et l’autre de ces sciences, et de toutes celles qui gravitent autour du comportement. 
Notre compréhension de nos animaux de compagnie n’en pourra être que plus grande, précise, utile et intéressante. 

engrenages

Si je mets mes lunettes de consultante en comportement qui base son approche sur l’ABA, cela ne signifie pas que je renie l’éthologie, la biologie, les neurosciences ou la cognition. 
Et bien au contraire ! Connaître les principales caractéristiques des races, leur éthogramme, connaître les capacités cognitives des chiens, comprendre comment ils voient le monde avec leur nez, savoir quels mécanismes s’activent dans leur cerveau en fonction de l’environnement, comprendre leurs hormones et leurs influences sur le comportement, etc etc etc, tout cela me permet d’être une meilleure professionnelle. 

 Pour être compétente dans mon travail, j’ai choisi de me focaliser sur une thématique, dans un champ d’étude. Et grâce à la pluridisciplinarité, je peux référer des cas qui dépassent mes connaissances et compétences à des collègues formidables (éducateurs canins, éthologues, vétérinaires généralistes, vétérinaires avec spécialités, …). 
Je travaille également au besoin avec des pet-sitters, dog-walkers, toiletteurs, associations, … 

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Et ensemble nous travaillons tous ensemble avec un objectif commun : augmenter le bien-être animal au quotidien. 

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