Du Chien-Démon au Chien-Ado : Tempête sous un petit crâne de petit chien

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A l’origine, je voulais écrire un article intitulé «Du Chien-Démon au Chien-Démo».Honnêtement, on n’en était vraiment pas loin. Mais c’était sans compter sur cette terrible et délicate période, qui nous est tombée dessus comme l’astéroïde d’un film catastrophe… : la fameuse Adolechiance.

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La classe naturelle du chien adolescent…

C’est quoi l’adolechiance? Et bien c’est très simple, je vous explique.

Vous connaissez déjà l’adolescence,ça, c’est ce que vit le chien: le chamboulement interne façon relooking-extrême.Et on peut le dire: ce n’est vraiment pas une période facile pour lui.

L’Adolechiance, ça, c’est ce que vivent les humains qui sont sous le même toit que l’ado en question (et les autres chiens de la maison par la même occasion). C’est cette sensation que tout part à vau-l’eau, et que cela n’en finira donc jamais. Cette lassitude de devoir faire descendre 22 fois par jour le chien de l’étage, sur lequel il fait une vraie fixation. C’est le doute qu’on commence à avoir quand on rappelle le chien (est-ce un jour «avec»,ou un jour «sans»?). C’est ce désespoir d’avoir l’impression qu’on était sur des rails depuis quelques mois, pour finalement voir le train commencer à dérailler. Bref, la chienlit de l’adolescence, ou «Adolechiance».

Un rapide retour sur ce qui s’est passé pour nous ces derniers mois… nous sommes sortis de la période «Chien du Démon»peu de temps après le premier article (éponyme). Bébé Steady grandissait gentiment, et finalement comme tout chiot normal (ouf!). Fini les cascades, les inventions improbables, le syndrome du sanglier qui fonce dans tout et n’importe quoi… enfin, il semblaitqu’ily ait des neurones fonctionnels dans cette petite tête d’adorable petit chien!

Nous avons même eu quelques grandes réussites… un rappel qui était de toute beauté, un vrai mieux vis-à-vis de sa folle passion pour les humains, de sa gestion des temps de repos, etses premières sorties dans le monde avec moi, en tant que chien d’instructeur. On était vraiment dans la bonne direction, et on avait repris une vie normale. Steady s’était révélé être un petit chien joyeux, attentif, patient, et un avenir sans nuage s’annonçait devant nous.

Mais voilà, on peut faire tout ce que l’on veut, il est impossible de protéger nos jeunes chiens de cette nouvelle tempête, qui a commencé à s’annoncer vers ses 8 mois…l’imprégnation hormonale.

Les premières chaleurs 

Cela a commencé par son tout premier grognement, vis-à-vis d’un autre chien de la maison, alors qu’elle était sagement couchée sur un tapis… c’est comme si, du jour au lendemain, le fait qu’un chien passe à proximité lui était intolérable, y compris Birdie, sa meilleure amie de jeu. J’avoue avoir été très surprise, et je me suis dépêchée de surveiller si ce comportement se répétait. Et il s’est effectivement répété. De plus en plus souvent, de plus en plus intense, jusqu’à plusieurs fois par jour. Je dois dire que mes chiens adultes ont été d’une patience remarquable, comme s’ils avaient compris que Steady ne contrôlait plus trop certaines de ses réactions, et qu’il fallait juste être patients et polis. 

Cette phase de ronchonnerie s’est accompagnée rapidement d’un autre symptôme, beaucoup moins perceptible, mais qui n’échappe pas à qui commence à connaitre son chien par cœur : une baisse de l’énergie et du tonus musculaire. Si cela était déjà arrivé ponctuellement pendant les gros pics de croissance, cette fois c’était différent. Il semblait y avoir moins de motivation aussi, elle paraissait moins décidée, plus molle physiquement mais également mentalement. Quand on passe d’un chien « à haut niveau d’énergie » à un chien « tendance mou du genou », on s’en rend compte. Et là, pour moi le constat était clair, il se passait quelque chose pour elle. J’ai commencé à surveiller les premiers signes de chaleurs, qui sont apparus dans la foulée, me confirmant ma première hypothèse : son changement de comportement était bien lié à l’imprégnation hormonale. Et si cette période n’est pas facile pour le chien (et pour l’humain d’un point de vue logistique !), je savais surtout ce qui allait arriver derrière… l’adolescence au sens large, le grand relooking du cerveau, avec sa flopée de moments improbables, parfois cocasses, parfois moins, et généralement assez désespérants pour l’humain.    

Moyennant quelques adaptations logistiques pour éviter les râleries potentielles entre les chiens de la maisonnée, les chaleurs de Steady se sont déroulées sans encombre. On passera sous silence le fait que sa délicatesse légendaire, et son joyeux remuage de popotin l’ai conduite directement à la case « port d’une culotte pour chienne ». Une grande première pour moi (après avoir eu plusieurs chiennes en chaleur, très propres, à la maison), mais mon mari semblait peu enclin à vivre dans une pièce redécorée façon scène de crime. 

Les grognements ont diminué progressivement et ont quasiment disparus.  

Mais dans la foulée, Mademoiselle a commencé à redévelopper certains comportements idiots (du point de vue humain, bien sûr !), comme mettre n’importe quoi dans la bouche… 

Le passage aux urgences 

 Ah, la fameuse fixation orale du labrador, elle nous aura coûté fort cher ! 

J’ai eu beau surveiller, encourager l’échange de ce qu’elle avait encore pris en gueule, un caillou a visiblement réussi à échapper à ma vigilance. De « dans la bouche », il est passé à « dans le bidon » (probablement accidentellement), et de là… et bien il n’a malheureusement pas pu aller plus loin sans intervention chirurgicale. Nous voilà partis aux urgences vétérinaires pour une occlusion intestinale. On va voir le côté positif, Steady s’est révélée très à l’aise durant son passage en clinique, suivant les chirurgiens avec confiance, et de ce qu’on m’a dit plutôt sereine en soins intensifs (comme quoi, on ne prépare jamais assez à la contention médicale). La grosse frayeur a laissé place la joie de retrouver ma démoniaque petite croqueuse de diamant, très rapidement en pleine forme. Mais j’aurai réellement préféré me passer de ce genre d’expérience, vous devez vous en douter… elle aussi probablement. 

chien frankenstein
Le chien de Frankenstein, en pleine forme…

L’œil du cyclone 

Après une convalescence très calme et sans nuage (je dois bien l’avouer !), il fallait bien que la tempête arrive. Et à l’heure où je vous écris, nous sommes… en plein dedans ! C’est officiel, en pleine adolechiance, les deux pieds dedans, au cœur de la bataille, en alerte, sous tranxen, à guetter la prochaine attaque de débilité canine, le neurone qui disjoncte, l’émergence d’une nouvelle lubie, le doigt d’honneur sur pattes, la truffe malade, qui va encore nous conduire à prononcer ces mots fatidiques : 

« Mais c’est pas vrai ! Mais c’est quoi ce chien ?! ». 

Et cette tempête alors, elle ressemble à quoi ? Et bien voici quelques exemples… 

  • Le développement de lubies improbables 

Après avoir découvert, en vacances dans la famille, qu’il y avait un espace à explorer en haut des escaliers dans les maisons, elle fait une vraie fixation sur notre étage. Il est normalement interdit aux chiens, du simple fait que l’escalier est très raide, et nous avions pris grand soin à ce que Steady ne voit jamais personne y monter. Mais il a suffi d’une seule expérience pour qu’elle comprenne qu’elle avait été dupée, et qu’un monde nouveau l’attendait en haut des marches. Depuis, je suis obligée de la faire redescendre 3546832132 fois par jour. Enfin quand je dis « la faire redescendre », je devrais plutôt dire « utiliser tous mes talents de négociateurs pour la faire redescendre », tellement ce nouvel espace est fascinant. 

Ah ça serait si simple si la configuration des lieux me permettait d’y mettre une barrière !  

steady escalier
« Un chien à l’étage ? Non, je n’en ai croisé aucun, promis !! » 
  • Le syndrome de Spiderman 

C’est quoi encore que ce nouveau concept ? Vous vous souvenez, quand le jeune Peter Parker, fraichement mordu par une araignée mutante, se découvre de nouveaux pouvoirs ? Il les teste, éprouve leurs limites, apprend ce qui lui est possible de faire physiquement ou pas. Et bien c’est exactement ce que vit Steady… forte d’un corps presque adulte, et d’une assurance toute neuve, elle se lance de nouveaux défis.  

« Est-ce que je peux sauter par la fenêtre de la chambre (du rez-de-chaussée bien sûr !) pour aller m’incruster en pleine session de Nosework de Birdie ? Mais oui, je peux ! » 

« Est-ce que peux décider de refuser de descendre du canapé, en me faisant toute molle pour qu’il soit très difficile de me porter au sol ? Damned, ça marche ! » 

Je vous passe le fait qu’elle arrive maintenant à atteindre le plan de travail de la cuisine, le centre de la table, et qu’elle a la résilience suffisante pour essayer autant de stratégies que nécessaire jusqu’à ce qu’elle arrive à attraper l’objet de son désir. Smoke, mon aussie de 9 ans, s’est faite ainsi détrônée de son titre de « Voleuse en Chef » (titre qu’elle avait elle-même dérobé à Fidèle, à peu près au même âge…). Steady a fêté son couronnement en s’octroyant un bon centimètre d’un verre de rhum-orange, abandonné trop longtemps (environ 2 secondes), sur la table basse. 

Et cette phase de découverte de son impact sur son environnement va bien plus loin que ses nouvelles capacités physiques…  

  • L’affirmation de son autorité 

Corolaire mental du syndrome de Spiderman, le chien découvre ou re-découvre de ce qu’il peut décider ou pas, et de sa potentielle influence sur le comportement des autres êtres vivants de la maison.  

Dans l’absolu, de mon point de vue en tout cas, c’est une excellente nouvelle ! On contrôle assez de choses dans la vie de nos chiens, pour leur laisser la capacité de décision dès que cela est possible (et sans danger). Si Steady savait déjà nous communiquer des choses et s’était rendu compte qu’on pouvait, nous humains, y répondre, elle est passé au stade supérieur. Ce qui me donne parfois l’impression d’être dans un mauvais remake du film « Les Visiteurs », lorsque Jacouille découvre l’interrupteur de la lumière (Jour, Nuit, Jour, Nuit….). Elle demande à sortir satisfaire un besoin naturel, passe à autre chose une fois en extérieur, re-rentre, re-demande à sortir, re-rentre… la clochette installée sur la porte commence à donner des signes de fatigue. Et elle sait parfaitement insister, armée de sa grosse voix et d’une autorité toute nouvelle, si je ne m’acquitte pas de mon rôle de portier assez vite.  

Les humains sont occupés et la communication semble inefficace ? Alors qu’à cela ne tienne, la comédie de la Diva qui chante, drapée dans le rideau comme dans sa dignité piétinée par notre désintérêt, marchera forcément ! 

Cela ne serait pas si terrible, de mon point de vue humain, si cela n’arrivait pas régulièrement en pleine visio-conférence… 

fantome
La Castafiore en costume de scène

Les autres chiens de la maison sont aussi soumis au même régime : Mademoiselle va donner de la voix pour exprimer son indignation de voir occupé son lit préféré. Se faire voler un jouet par Birdie donne également lieu à des vocalises outrées. La loutre en a fini avec son statut de petite dernière, et elle sait très bien le faire comprendre.  

Je comprends pourquoi certains propriétaires de chiens, démunis face à cette nouvelle phase de développement du chien, y voient une volonté de « dominer le monde ». Mais en réalité, il n’en est rien. Le jeune chien découvre son autorité, et son impact potentiel sur son environnement, de façon un peu maladroite parfois, abusive souvent à notre goût, mais cela reste une phase transitoire.  

Si vous en doutez, les jours de désespoir à gérer votre tyrannique ado, rappelez-vous que le comportement de votre chien n’est pas forcément représentatif de ce qu’il sera adulte. D’ailleurs même Jacouille est passé à autre chose, une fois qu’il a eu fini de jouer avec l’interrupteur. 

ado grogne
L’image se suffit à elle-même, non ?
  • Le développement de l’intensité de certains comportements (et des instincts en premier lieu) 

C’est, je trouve, le plus difficile et surprenant dans l’adolechiance… le chien qui développe d’un coup ses instincts. S’ils n’étaient pas déjà apparus avant, cela peut faire tout bizarre. Si vous en aviez eu connaissance, on monte d’un cran. Je l’avais déjà vécu avec mes australiens (oui, ça garde, et oui ça peut se déclencher sur le mouvement) et je m’y attendais. Je dirai même que je guettais presque avec impatience, pour voir ce qui aller se révéler chez elle, puisque c’est mon premier chien qui ne soit pas un chien de berger. J’étais si curieuse de voir ce qui allait ressortir de cette petite boule de poil ! 

Et bien… oui, je peux maintenant le confirmer : le labrador (lignée travail en tout cas), est bel et bien un chien de chasse ! J’avais passé tellement de temps à développer la zénitude à proximité de mes poules, quand elle était tout chiot ! A croire que tout est passé à la trappe… 

Le renard n’a laissé qu’un seul survivant dans ma basse-cour, et Steady a bien failli terminer le travail. Un jour, d’un coup d’un seul, j’ai dû lui sortir mon petit coq de la gueule (il va bien). Je ne l’avais encore jamais vue comme ça, le corps tendu, les yeux d’un junky sous acide, et les babines frémissantes, comme possédée. Niveau zenitude, on repassera ! Retour à la case départ (ou presque) pour ces apprentissages là… Autant vous dire que je commence aussi à surveiller particulièrement quand elle s’éloigne en promenade un tout petit peu plus que d’habitude, la pente pourrait bien être glissante. 

La bonne nouvelle, c’est que sur les aspects « recherche » (et c’est quand même un point clé de la sélection dont elle est issue), j’ai maintenant une machine de guerre. Elle est inarrêtable, d’une motivation sans faille. Et comme ce sont des activités que je pratique beaucoup, c’est vrai que j’y trouve un intérêt certain (et elle aussi !). Positivons, positivons ! 

Et c’est sur cette note positive que je vais terminer ce témoignage. Oui, un chien adolescent, ce n’est pas facile tous les jours. Mais est-ce que je lui en veux pour autant ? Absolument pas. Pas une seconde, pas un instant ! Elle ne fait pas exprès, elle n’est pas en train de chercher à dominer le monde, ni à nous faire tourner en bourrique : elle fait du mieux qu’elle peut, avec un corps qui réagit différemment, et des émotions qui d’un coup deviennent plus difficiles pour elle à gérer. 

Est-ce que c’est l’enfer au quotidien ? Non plus, bien sûr que non ! Je partage avec vous des anecdotes sur ce qui est caractéristique chez elle de cette période, mais je vous assure que nous allons tous bien. C’est un adorable petit chien, joyeux, expressif (ok, peut-être trop en ce moment justement), chaleureux, toujours partant et qui semble croquer la vie à pleines dents (parfois au sens propre ok, continuons d’éviter les cailloux quand même…). Mais oui, en ce moment, Steady me demande plus de patience que d’ordinaire, et surtout beaucoup d’humour. Et pas mal de disponibilité aussi, pour surveiller la bête. 

L’adolescence c’est vraiment, comme le titre de cet article le désigne, la tempête sous un petit crâne de petit chien. C’est un moment où ils vivent tellement de bouleversements, qu’ils en perdent pied. Des hormones qui bousculent tout, au développement d’un cerveau encore immature qui les rend particulièrement perméables à certains stimuli, et peu capables de les gérer, comment cela ne pourrait pas avoir d’effets secondaires sur le quotidien, et la façon dont ils le perçoivent ! Ce n’est pas seulement moi qui le dis (même si j’en suis, d’expérience, intimement convaincue), mais les études sur le sujet (non, je ne vais pas vous faire le coup de la liste biblio, mais elle existe… à une autre occasion peut-être !).  Pour résumer : votre adolechien a davantage besoin d’aide pour traverser cette période, que d’énervement. 

Si vous avez un jeune chiot qui n’est pas encore arrivé à ce stade : restez attentifs, et ne partez pas du principe qu’il ne va pas évoluer d’ici quelques semaines ou quelques mois. L’adolechiance pourrait bien vous toucher, un jour où l’autre. Vous penserez à moi si cela arrive ! 

Si vous traversez en ce moment les mêmes épreuves que moi : Courage, je suis de tout cœur avec vous. Tenez bon, et bientôt nous rirons ensemble de nos anecdotes respectives. 

Gardez le cap, et attendons ensemble le calme après la tempête…  

ado canape

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