Nosework : apprendre une odeur-cible à mon chien

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Il existe plusieurs façons d’apprendre une odeur à son chien, en fonction de son objectif, des règles de l’activité de flair que vous pratiquez (détection sportive, nosework etc..) de ses convictions, de son propre chien… J’ai moi-même testé différentes approches, en apprenant jusqu’à 5 odeurs différentes à 4 de mes chiens. Si toutes devraient vous amener normalement vers le résultat escompté, j’ai trouvé que l’approche en pairing, qui utilise le conditionnement classique, était simple à mettre en place pour les conducteurs, qu’elle représentait une transition fluide pour tous les chiens, et surtout qu’elle permettait de continuer de développer leur autonomie et une forte motivation pour « chasser l’odeur ». Dans cet article, vous découvrirez pourquoi elle est à ce jour l’approche que je privilégie pour mes élèves.

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Un chien qui frétille de la truffe et des moustaches en présence de la source.
copyright Marjorie Miltenberger

Quand apprendre une odeur-cible à son chien ?

Vous êtes décidé(e), vous voulez passer sur odeur-cible ? Il faut maintenant s’assurer que votre équipe est prête à franchir cette étape, et a développé, au moins en partie, les compétences requises.

Apprendre une odeur n’est pas spécialement compliqué. La difficulté majeure en recherche d’odeur, c’est… la recherche en elle-même, et qu’elle puisse se faire dans une immensité de situations et d’environnements différents. La première chose que votre équipe doit un tant soit peu maitriser avant toute chose, c’est donc le fait de chercher. C’est là que les hunting games, la recherche sur renforçateur primaire (nourriture), ou secondaire (jouet), prend sa place et permet de polir les compétences de recherche du chien, en utilisant quelque chose qui le motive intrinsèquement. C’est une base commune à l’immense majorité des activés de recherche d’odeur, en opérationnel ou en sportif : les chiens ne débutent normalement pas directement sur odeur-cible. Et c’est durant cette phase préalable qu’on va commencer à intégrer différentes situations, en terme d’environnement, de conditions météos, de surfaces, d’image olfactive etc…

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Pandhy débute la recherche sur véhicule en Hunting Games.
copyright Muzo+

Si votre chien sait déjà chercher des croquettes dans différents environnements et sur des scénarios classiques (type débutant), alors c’est parfait. Si ce n’est pas le cas, je vous invite à commencer par cela et d’y consacrer le temps nécessaire. Vous pouvez vous appuyer pour cela sur les programmes Hunting Games et Hunting Games 2 disponibles sur la plateforme.

Existe-t-il plusieurs façons d’apprendre une odeur en nosework ?

Comme pour tout apprentissage, il n’y a pas qu’une seule façon de procéder. Le choix de votre approche va dépendre de votre chien (caractère, sélection génétique, apprentissages préalables etc…), et de vos propres compétences en tant que conducteur.

Il peut exister autant de variantes que d’équipes. Mais on peut globalement les regrouper en deux approches principales :

  • celles qui s’appuient principalement sur le conditionnement opérant, qui associe un comportement à une conséquence ;
  • et celles qui s’appuient plutôt sur le conditionnement classique, qui associe un réflexe ou une émotion à une situation.

NB : il y a toujours un recouvrement entre les deux types de conditionnement, leur séparation stricte n’existant que sous la forme de concepts théoriques.

Apprendre une odeur en conditionnement opérant

Le conditionnement opérant fait le lien entre des actions de l’individu et ses conséquences. C’est ce que vous utilisez lorsque vous apprenez à votre chien à aller sur une station : vous associez une conséquence agréable (croquette) à un comportement précis (se rapprocher de la station, puis monter dessus) et c’est ce comportement qui déclenche l’arrivée de la croquette.

Dans le cadre de la détection d’odeur, cela peut se traduire par la séquence suivante : vous présentez une source d’odeur-cible au chien (dans une boite au sol ou tenue à la main), et vous apportez une conséquence agréable (une récompense) lorsqu’il produit le comportement souhaité : celui de s’approcher de la source de l’odeur, voire de toucher la boite. L’usage d’un marqueur (clicker, « oui ! » etc…) est fréquemment utilisé pour isoler le moment précis où le chien est au plus près.

Si le chien ne s’approche pas de la boite qui contient l’odeur-cible, alors il n’y a pas de croquette de disponible. C’est le conducteur qui valide (ou pas) l’action du chien via la production du marqueur et la délivrance du renforçateur.

Le chien va comprendre qu’il faut se rapprocher de la source l’odeur-cible lorsqu’elle est présente. L’effet secondaire probable est qu’il développe de la motivation pour cette odeur, sa proximité étant associée à quelque chose d’agréable. Mais ce dernier point relève en fait de la part de conditionnement classique qui est toujours présente dans le conditionnement opérant.

Si cette approche donne généralement de bons résultats, elle peut cependant soulever quelques questionnements :

  • On ne maitrise pas le stimulus que le chien a intégré comme étant le plus saillant. Le chien va réagit plutôt à la vue de la boite, ou à la perception de l’odeur ? Bien sûr, l’apprentissage va se préciser avec le temps, mais il faudra rester attentif sur ce point.
  • C’est le conducteur qui « valide » ou non le comportement. Le chien est dépendant de notre intervention, ce qui pourrait associer un focus conducteur assez fort à une activité normalement à focus tâche. Si votre chien manquait déjà d’autonomie, ce n’est peut-être pas la situation idéale.
  • Le conducteur doit récompenser au bon moment, et au bon endroit. Cela demande un peu d’expérience pour être efficace.
  • En tant que conducteurs, nous sommes ici amenés à valider un comportement (c’est le principe même du conditionnement opérant). Or la recherche d’odeur repose sur une sensation (olfactive) et un processus cognitif que ne pouvons pas voir. Même si au final cela fonctionne souvent très bien, est-ce qu’un comportement est vraiment ce que nous souhaitons apprendre au chien dans le cadre de l’activité ?
  • Dernier point, et celui qui demande sans doute d’être le plus attentif : si le stimulus qui produit le comportement renforcé est la présence d’une source d’odeur-cible, alors on apprend au chien à réagir à la présence de l’odeur. Que ce passe-t’il si le chien ne perçoit pas immédiatement l’odeur ? Va-t-il la chercher ? Et bien cela dépend si le chien a développé une motivation pour cette odeur ou pas, et cela… et bien c’est du domaine du conditionnement classique !
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Steady approche la truffe de la source contenue dans la boite : je valide en cliquant et en récompensant son action.
copyright Marjorie Miltenberger

Pour résumer, cette approche fonctionne bien quand elle est correctement pratiquée, c’est-à-dire lorsque l’on sait ce qu’on fait et donc qu’on a une certaine expérience. Elle a d’ailleurs la part belle chez de nombreux opérationnels, car adaptée à des chiens qui ont déjà intrinsèquement de fortes motivations pour la recherche. Mais cela n’apprend réellement au chien à « chercher » l’odeur que s’il y a eu, et c’est heureusement souvent le cas, une part de conditionnement classique.

C’est partant de ce constat avec mes premiers chiens (qui ont appris l’odeur en conditionnement opérant) que j’ai creusé la question : pourquoi ne pas directement mettre l’accent sur le conditionnement classique, puisque c’est finalement celui qui nous intéresse le plus ?

Apprendre une odeur en conditionnement classique

Le conditionnement classique est également une forme d’apprentissage associatif, mais qui fait cette fois le lien entre deux stimuli. C’est le domaine des réflexes, des réponses émotionnelles et des motivations. C’est ce qui se passe lorsque vous sonnez une cloche avant de présenter son repas au chien (pour reprendre la fameuse image du chien de Pavlov) : le chien commence à saliver en entendant la cloche.

C’est exactement ce que l’on fait lorsqu’on approche l’apprentissage d’une odeur-cible en pairing (pairing dans le sens « association »). On utilise un stimulus inconditionné, c’est-à-dire qui a déjà une valeur intrinsèque pour le chien (la recherche de nourriture, qui est une motivation existante chez le chien, et qu’on a préalablement développée), et on va l’associer avec un stimulus considéré comme neutre (même si ce n’est pas exactement toujours le cas selon les chiens) : notre odeur-cible. L’objectif est de créer pour l’odeur-cible une réponse émotionnelle conditionnée, c’est à dire que l’odeur-cible sera aussi motivante pour le chien que la nourriture.

Cette fois, nous ne sommes pas en train de réfléchir en termes de comportement (se rapprocher de la source de l’odeur-cible), mais de développer une émotion qui fera que le chien aura envie de la chercher, avec la même intensité et le même engagement que s’il s’agissait de trouver un steack.

Dans la pratique, l’apprentissage en conditionnement classique d’une odeur-cible fonctionne de la façon suivante : comme nos chiens adorent la recherche de leur renforçateur (nourriture, jouet etc), nous allons placer un renforçateur au plus près de la source de l’odeur. Au bout d’un moment, une association et un transfert de valeur sera effectué entre les deux (notre fameuse réponse émotionnelle conditionnée). Ici ce n’est pas le conducteur qui valide une action, et la présence du renforçateur n’est pas dépendante du comportement du chien. Il est en place et disponible, le chien n’a qu’à le trouver. Pas de risque du coup d’un timing défaillant de la part du conducteur, puisque c’est la présence de la source qui récompense immédiatement le chien…

A terme, le conducteur récompensera en plus son chien à la source, et le renforçateur du pairing disparaitra progressivement (il reviendra régulièrement dans la carrière du chien). C’est le moment où les difficultés peuvent survenir car, dans toute approche, des erreurs d’appréciations sont possibles de la part des conducteurs novices. Les plus courantes sont :

  • D’enlever trop tôt le pairing (avant que la réponse émotionnelle soit assez forte pour être utilisée seule en conditions réelles), ou de ne pas faire une transition continue suffisante entre le pairing et l’odeur-cible seule.
  • De ne pas inclure dans l’apprentissage la règle selon laquelle tout renforçateur sur une zone de recherche n’est accessible au chien que s’il est associé à une source d’odeur-cible. En d’autres mots, si de la nourriture ou un jouet sont présents en dehors du pairing, alors ils ne doivent pas être pris en compte par le chien (ce sont des distractions).
  • De continuer à faire chercher le chien sur renforçateur seul, dans un contexte similaire à celui de la recherche d’odeur-cible. C’est directement lié à la règle ci-dessus.

En dehors de ces principaux garde-fous, c’est une approche extrêmement efficace puisqu’elle cible directement ce qui nous intéresse : le développement de la valeur pour l’odeur-cible, et de la motivation pour la chercher. D’autre part, c’est techniquement facile à mettre en place même pour un conducteur peu expérimenté, donc adapté à un très large public.

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Birdie cherche ici en « pairing », la récompense est placée contre la source.
copyright Marjorie Miltenberger

C’est sans doute une des principales raisons pour lesquelles l’apprentissage en conditionnement classique est largement utilisé dans beaucoup d’activités de recherche d’odeur, tous publics confondus. C’est l’approche enseignée en K9Nosework (autrement dit le nosework) par la NACSW, les fondateurs de la discipline. Elle est aussi pratiquée par de nombreux opérationnels pour la préparation des chiens de détection (placement de nourriture ou d’un jouet à proximité de la source, imprégnation du jouet par l’odeur à apprendre etc..). C’est enfin ce qui se passe habituellement lors des débuts en recherche de personne disparue, lorsque la « victime » part ostensiblement avec le renforçateur du chien, ou pour l’entrainement de certains chiens de chasse lorsqu’on parfume leur jouet préféré d’une douce odeur de gibier.

Pour conclure : le choix du pairing

Objectivement, à titre personnel et pour avoir testé les deux approches avec mes propres chiens, je vous dirais que dans l’absolu vous devriez avoir de bons résultats avec l’une ou l’autre.

Mais à titre professionnel, je recommande le travail en pairing (conditionnement classique), et ce pour les raisons suivantes :

  • Pour un conducteur débutant, il y a moins de risques d’erreur.
  • Pour un chien « de compagnie », c’est-à-dire non sélectionné pour la recherche, cela permet de continuer à développer la motivation pour « chasser l’odeur » qui reste le socle de toute recherche.
  • La transition est très fluide, puisque c’est un continuum de la recherche sur renforçateur primaire à celle sur odeur seule.

Le pairing est adapté à tous les profils d’équipes, quels que soient leur expérience, la race, le tempérament ou l’âge du chien.

Bien sûr, si vous êtes un conducteur expérimenté, que vous avez déjà monté plusieurs chiens dans la discipline, vous avez le recul et les compétences nécessaires pour choisir ce que bon vous semble, en toute connaissance de cause.

Bon apprentissage à tout le monde !

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copyright Marjorie Miltenberger

Mes remerciements à Lisa Longo pour sa relecture attentive et éclairée de cet article.

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