La médiation par l’animal, ou encore parfois appelée zoothérapie, est en plein essor depuis quelques années. Les reportages se multiplient et nous pouvons y observer tous ses bienfaits auprès des personnes accompagnées.
L’essor est tel que cette pratique se professionnalise, s’appuyant sur des concepts scientifiques, éthiques, éthologiques et une méthodologie spécifique.
La médiation par l’animal, c’est quoi au juste
Au-delà d’une simple présentation d’animaux, la médiation par l’animal est une pratique professionnelle de la relation d’aide (1) qui s’inscrit de le contexte de la relation Homme/Animal et qui favorise ces liens existants à des fins préventives, éducatives ou thérapeutiques.
Cette médiation se pratique avec des animaux spécifiquement éduqués et s’adresse à toutes les personnes fragilisées par la vie, la maladie ou le handicap.
Les bienfaits de la médiation par l’animal sont multiples :
- Améliore la relation et la communication
- Développe l’autonomie, la motricité
- Fait émerger des émotions positives
- Etc.
Ils sont d’ailleurs largement relatés dans les médias, pour les personnes âgées mais aussi toutes personnes fragilisées, à tous âges de la vie.
La médiation animale est reconnue dans le cadre des thérapies non médicamenteuse par la Haute Autorité de Santé, le magazine des ASH (Actualités Sociales Hebdomadaires) en a fait la part belle dans un cahier de 120 pages.
Des fondations, comme celle de Adrienne et Pierre Sommer, s’engagent depuis plusieurs dizaines d’années pour la médiation animale par l’information, le financement aux initiatives de terrain et la recherche.
Je ne compte pas ici vous détailler son histoire à travers les siècles ; de ce qui lie l’homme avec l’animal depuis la nuit des temps (dont on ne connait d’ailleurs pas la date exacte… les 1eres preuves de cohabitation remontent à 700000 ans) ni de l’évolution de cette relation vers un partenariat de soin (merci Jingles (2) )
Je ne vais pas détailler non plus ses fondamentaux ni vous parler de tous nos mentors : John Bowlby, Boris Cyrulnik, (3) Véronique Servais (4) et bien autres.
Je vous partage juste cette photo qui illustre à merveille les théories de Hubert Montagner (5) sur le rôle des animaux dans le développement de l’enfant.
Ce qui m’anime alors depuis quelques années et qui m’a fait adhérer à la communauté Muzo+ ?
Le consentement des animaux de médiation
Le rôle de l’animal en médiation
Nous parlons de médiation, car l’animal est un agent transitionnel. Il n’est ni un soignant, ni un thérapeute mais le pont entre 2 individus.
Qu’il soit chien, chat, cheval, rongeur, à plumes, poils ou écailles (si, si) il est merveilleux dans ce rôle-là :
- Sa structure relationnelle est simplifiée, il est spontané, il ne juge pas.
- Sa communication est « multicanale » et chacun peut donc rentrer en communication avec lui avec sa propre sensibilité (toucher, regard, etc)
Et il offre une grande variété de stimulations. - Selon B Cyrulnik, il est facteur de résilience.
- Selon Hubert Montagner, il permet de développer des compétences socles qui permettent à l’enfant, puis à l’adulte qu’il devient, de se construire.
Nos animaux de médiation sont spécifiquement éduqués, c’est-à-dire éduqués pour accompagner leur humain auprès des personnes fragilisées et non pas pour être « au service » de ces personnes.
Cette éducation repose bien entendu sur une très bonne connaissance éthologique de l’individu que l’on a en face de soi, une confiance mutuelle, un respect des besoins de chacun.
Elle est aussi au centre d’un rouage qui doit être bien huilé.
Le choix d’interagir…ou pas
La notion du bien-être animal est de plus en plus au centre des préoccupations des Intervenants en médiation par l’animal.
Outre la déclaration des droits de l’animal (2018), L’ IAHAIO (Internationnal Association of Human-Animal Interaction Organisations) , par exemple, publie un livret blanc (6) contenant les recommandations pour le bien-être des animaux de médiation (et c’est en Français !)
Au-delà de ce besoin primaire de chaque individu et de l’aspect éthique du respect du choix, le consentement et l’empowerment apparaissent comme nécessité pour un travail de qualité auprès des publics fragilisés.
En effet, la médiation par l’animal repose sur la réciprocité de la relation entre l’homme et l’animal. Un de mes objectifs, en tant que professionnelle, est de mettre en place les conditions d’une rencontre de qualité, où un lien d’attachement se créera entre mon chien et la personne accompagnée.
Comme le décrit très bien Véronique Servais sous le terme de relation triadique, les liens existants et naissants vont créer cette fabuleuse alchimie de la relation, où les émotions pourront se libérer et où chacun pourra se dépasser grâce et pour l’autre.
Ce lien ne pourra jamais naitre dans la contrainte !
Il est facile de gérer beaucoup dans la vie de nos animaux, mais, il nous sera toujours impossible d’obliger la création d’un lien d’attachement.
Au fil des années, j’ai enrichi ma boite à outils par différentes façons d’introduire cette notion de consentement, au quotidien et dans mes séances de médiation par l’animal, avec mes chiens.
- L’étude de l’éthologie, la bonne connaissance du langage canin et de mes partenaires est bien entendu l’incontournable, le strict minimum.
- Les portes de sortie, permettant aux animaux de se dégager de l’interaction, font à présent partie du bagage du tout bon intervenant. Pour mes chiens, ces portes de sortie ont exactement la même fonction que celle mise en lumière par Iris Castaing dans son article sur le blog. Chez les rongeurs, les plus populaires étant les petits ponts ou petites cabanes posées sur la table leur permettant de s’y refugier lorsqu’ils le souhaitent.
- L’apprentissage des comportements « feu vert » permet de donner à mes chiens les moyens d’exprimer leurs choix. L’objectif est d’établir une communication claire entre les différents acteurs de la triangulation pour que chacun puisse exprimer ses désirs, ses choix et respecter ceux des autres.
L’empowerment est donc un des principes nécessaires à la rencontre, qui permettra la création du lien…ou pas, et un moyen pour mes chiens d’initier des interactions compréhensibles par tous.
Quelques exemples :
- Enfiler soi-même son harnais ou collier spécifique avant de partir comme accord à m’accompagner.
- Pivoter pour se mettre en position d’être porté.
- Monter volontairement sur la table lorsque je place le tapis anti dérapant sur la chaise.
-Poser la tête sur les genoux d’une personne assise pour donner son accord d’être caressé ou pour demander à être caressé.
-Se coucher sur le plaid (par terre ou sur la table) pour donner son accord pour être brosser.
-Se mettre dans le cerceau au départ du parcours moteur pour accepter de s’engager dans l’action avec un participant. - etc.
Ces comportements feux verts ont pour fonction de m’indiquer si mon chien est prêt et sont des indices précieux du bien-être de mes chiens dans telles ou telles situations.
Ils offrent aussi à mes chiens la possibilité d’agir de leur propre chef, pour déclencher telle ou telle interaction.
Ils ont cet avantage d’être clairement identifiables par les personnes que j’accompagne et deviennent des pistes de travail pour aborder avec eux les notions de respect, d’empathie, de décentration, de « prendre soins »
Et puis, parfois, je fais juste confiance à mes chiens car, eux savent 😉
Valérie Delcroix, Chargée de projet en médiation par l’animal
Membre de l’équipe pédagogique d’AGATEA
Instructrice en apprentissages canins spécifiques
- Les 7 piliers de la relation d’aide sont décrits par Carl Rogers, psychologue (1957)
- Jingles est le chien du pédopsychiatre américain Boris Levinson, considéré comme le père de la zoothérapie, publie dès les années 60, publie les premiers écrits consacrés entièrement aux effets bénéfiques des animaux sur des publics fragilisés.
- Boris Cyrulnik, éthologue, est une des figures les plus populaires aujourd’hui, auteur de plusieurs ouvrages où il met en avant la médiation par l’animal comme facteur de résilience.
- Véronique Servais, psychologue, docteur en arts et sciences de la communication, elle enseigne à l’université de Liège. Ses recherches portent sur divers aspects des relations entre l’homme et l’animal. Elle est à l’origine du therme « relation triadique » l’alchimie de la relation en médiation par l’animal.
- Hubert Montagné, psychophysiologiste dans le champs de l’enfance, a écrit plusieurs ouvrages (dont une de mes bibles, « L’ Enfant et l’Animal: Les émotions qui libèrent l’intelligence ») où il nous explique la place et le rôle des animaux familiers dans le développement de l’enfant.
- https://iahaio.org/best-practice/white-paper-on-animal-assisted-interventions/
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